Après une interdiction quasi totale
de pêcher depuis la capture d’un
soldat israélien le 25 juin 2006,
les pêcheurs de Gaza ont finalement été
autorisés à le faire dans les eaux côtières
de la bande de Gaza pendant la haute saison
de pêche qui démarre début avril.
C’est l’époque où commence la migration
des sardines du Delta du Nil jusqu’aux
côtes de Turquie. Bien que les sardines
ne procurent pas un haut revenu, elles
sont essentielles à la subsistance des
pêcheurs palestiniens, représentant approximativement
70% de la pêche annuelle ;
le reste étant constitué de poissons plus
recherchés comme le thon, la seiche, le
maquereau ou les crevettes, dont les bancs
se trouvent environ à 10 miles nautiques
à l’ouest des côtes de la bande de Gaza.
Pour rentabiliser au maximum leur saison,
il faudrait que les pêcheurs puissent
pratiquer la pêche au- delà des 6
miles nautiques [1] autorisés par Israël.
Confinés à de courtes distances de la
côte, ils ne peuvent prendre que des
poissons de petite taille, à faible prix
sur le marché, ce qui représente une
perte considérable de revenus. Du fait
que les pêcheurs ne peuvent accéder aux
poissons de qualité, les consommateurs
gazaouis achètent sur le marché le poisson
importé d’Israël - une moyenne de
1300 tonnes par an-, ce qui appauvrit
encore davantage leur pouvoir d’achat.
En conséquence, le poisson devient hors
d’atteinte des bourses du 1,5 million de
Palestiniens de Gaza.
Les conséquences
économiques
L’industrie de la pêche fait face à un
déclin à long terme, elle est même menacée
d’extinction si les restrictions, imposées
par Israël pour raison de sécurité - sous prétexte de stopper la contrebande
des armes-, étaient maintenues.
Fin des années 1990, le tonnage des
quatre appontements
de pêche de la bande
de Gaza situés à Rafah,
Khan Younes, Deir Al
Balah et Gaza-ville,
dépassait les 3500
tonnes annuelles et
générait un revenu
annuel de plus de 10
millions de dollars.
Entre 2001 et 2006, le
revenu a été divisé par
deux ; les pêcheurs de
Khan Younis et Rafah
étant soumis aux
couvre-feux et au
siège. Par exemple, le ponton de Khan
Younis a été complètement fermé en
2003 et 2004 et ouvert seulement pendant
90 jours en 2005.
Alors qu’ils sont moins de trois mille
pêcheurs enregistrés dans la bande de
Gaza, deux mille autres sont indirectement
dépendants de l’industrie de la
pêche pour leur subsistance à travers les
services et la maintenance de la flotte.
Trente-cinq mille Gazaouis (en partant
d’une famille moyenne de sept personnes)
dont l’industrie de la pêche est
la première source de revenu, se sont
appauvris ces six dernières années.
Le coût moyen d’une sortie de pêche
varie de 500 shekels à 2500 shekels
selon la taille du bateau,
les filets et l’équipage.
De nombreux pêcheurs
ne parviennent même
plus à couvrir leurs frais,
et n’ont pas d’autre
choix que de rester à
terre. Depuis six ans,
ils ont eu également des
difficultés à exporter
des produits à haute
valeur ajoutée comme
les crevettes, à cause
des bouclages constants
du terminal de Karni et
du manque de chaînes frigorifiques permettant de conserver
le poisson en cas de bouclage.
Un mode de vie dangereux
A Gaza, la pêche est devenue une activité
extrêmement périlleuse. Trois
pêcheurs ont été tués, au cours de ces
dix-huit derniers mois, par des tirs provenant
de bateaux israéliens, de nombreux
autres ont été arrêtés et leurs bateaux
carbonisés par les forces de sécurité israéliennes.
En théorie, suite à la levée des restrictions
imposées par les forces de défense
israéliennes, les pêcheurs auraient dû
pouvoir pêcher à 6 miles de la côte à
partir du 24 octobre 2006. Dans la pratique,
seul un peu de pêche a été possible
au sud de Deir Al Balah, de la fin octobre
jusqu’à début mars 2007. Le reste du
temps, les sorties en mer ont été impossibles.
Alors que des pêcheurs ont installé
des systèmes GPS sur leurs bateaux,
pour être capables de contrôler leur distance
de la côte, la marine de guerre
israélienne continue de les prendre pour
cible, au prétexte qu’ils seraient au-delà
des zones de pêche autorisées. Aucune
coordination formelle n’a jamais pu exister
entre l’armée israélienne et les
pêcheurs pour connaître la zone exacte
autorisée. Ce manque de dialogue conduit
aux injures, à des arrestations continuelles
et à la mort de pêcheurs. Tout cela
crée un climat d’insécurité et un manque
de confiance des pêcheurs soumis à
l’arbitraire israélien.
Il serait essentiel que les limites de pêche
soient clairement définies et signalées
matériellement, peut-être en larguant des
bouées pour que chaque partie connaisse
précisément les zones permises.
Les conséquences
environnementales
Les restrictions des droits de pêche ont
conduit à une exploitation intensive dans
les eaux côtières peu profondes qui a
épuisé les réserves naturelles et menace
les pêcheurs de la perte de leurs ressources
de base. Ceux-ci ont été forcés
de jeter leurs filets dans des zones où
se trouvent les jeunes poissons, endommageant
à long terme la reproduction
des espèces. La situation est telle que
le Département de la Pêche de l’Autorité
palestinienne a soumis une proposition
aux pays donateurs de construire
huit récifs artificiels à Gaza-ville et à
Deir el Balah pour reconstituer un environnement
propice à renouveler les zones
de procréation.
Aujourd’hui, la pêche est menacée. Les
pêcheurs luttent pour continuer à nourrir
leurs familles, laissant de côté l’entretien
de leur flotte. Les pêcheurs et tous
ceux dont les moyens d’existence dépendent
de l’industrie de la pêche risquent
de passer de l’autosuffisance à la dépendance
de l’aide alimentaire et des offres
de travail proposées par l’ONU ou
d’autres ONG humanitaires.